mercredi 30 avril 2014

Nur Götter dürfen uns berühren - 7

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Quelques jours plus tard nous étions de retour à Berlin. Je retrouvai Schneider dans un bar. Il me sembla qu'il était mieux qu'il y a quelques semaines. Je n'aurais jamais cru qu'il vive les choses aussi mal : le départ de Till, la fin de Rammstein lui coutait une dose d'antidépresseurs quotidienne. Heureusement qu'il avait sa fille, elle lui permettait de tenir la tête hors de l'eau.
- Comment va Lou ? Demanda-t-il.
- Il me semble la voir sourire de temps en temps. Reprendre le travail lui a fait du bien. Tu devrais passer la voir à la maison d'ailleurs, ça lui ferait très plaisir.
- À la maison, répéta Schneider. Alors tu reste toujours vivre chez elle.
Je ne parvins pas à savoir s'il s'agissait d'un reproche ou d'une simple remarque. Il se montrait moins acerbe depuis quelques temps.
- Ouais, elle n'arrive pas à rester seule, et moi j'ai besoin de sa présence aussi.
- Alors la rupture avec Nina est définitive ?
Une fois encore il touchait là où ça fait mal.
- Elle m'a posé un ultimatum, j'ai fais mon choix.
Il eut son fameux sourire ironique.
- On est mal barré mon pauvre Richard ! Rien que des pauvres vieux qui viennent de se faire larguer.
- Quoi ! M'exclamai-je.
- Sarah est partie, elle demande le divorce.
- Merde...
- Je le comprends, vivre avec un dépressif comme moi. Je suis absolument insupportable au quotidien, je n'arrive pas à remonter la pente. Puis, je crois aussi qu'elle a rencontré quelqu'un d'autre.
- Vraiment ?
- Concrètement je n'en sais rien, mais j'ai l'impression qu'elle culpabilise. Elle est d'accord pour la garde partagée d'Anne.
- Je suis désolé.
- Ouais...

Flake nous avait rejoint. Il essayait de nous remonter le moral. Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi il se montrait aussi combatif.
- Relance toi dans Emigrate, me dit-il. On veut bien y collaborer. Il faut absolument qu'on se remette à faire de la musique. C'est notre porte de sortie, ça l'a toujours été.
Je savais à quel point il avait raison, mais je ne voyais pas comment nous cinq pouvions faire un groupe, de la musique sans Till.
- Ecoute, reprit Flake, je sais à quel point c'est difficile d'admettre pour chacun d'entre nous, mais Rammstein est définitivement terminé. Il faut qu'on tourne la page, qu'on renaisse de nos cendres. Faire comme on l'a toujours fait : faire naître quelque chose de notre chagrin Emigrate me semble la meilleurs solution.
- Il a raison dit Schneider. Emigrate c'est la meilleure chose à faire. Sans Till, sans Rammstein on est véritablement des émigrés maintenant.
Nous nous regardâmes tous les trois avant d'exploser de rire.
- Tu vois, si Schneider commence à faire de la poésie, c'est signe qu'on a toucher le fond et qu'il est temps de remonter !
- J'ai encore besoin de temps, dis-je.
- Tu en as encore du temps, dit Schneider. Il faudra convaincre Ollie et attendre que Paul sorte de sa cure.
Paul. Il avait vraiment péter les plombs. Enfin pas d'un coup, doucement, mais surement, comme on dit. Depuis la nouvelle de la maladie de Till il avait prit l'habitude de boire, et après son départ ça avait empiré. Sa femme lui avait posé un ultimatum : la cure de désintox ou elle se barrait. Il l'aimait trop pour la perdre, il avait choisi la cure. Il y était depuis bientôt trois mois. Nous allions le voir toutes les semaines. Malgré son éternel sourire, malgré son sevrage, il avait du mal à faire son deuil et se sentait trop fragile pour retourner à la vie normale.
Quant à Ollie, comme toujours il n'avait rien laissé paraître de sa peine. Pourtant nous savions tous à quel point il avait été touché, nous l'avions vu lors de la cérémonie... Mais je ne voulais pas penser à ça, pas ce soir. Schneider, Flake et moi, autour d'une bière, essayions d'entrevoir l'avenir.

L'avenir. Lou le tenait dans ses bras lorsque je rentrai à l'appartement. Elle pleurait en silence, tenant son fils contre elle, le regardant. Je vins m'assoir à côté d'elle et passai mon bras autour de ses épaules.
- Ce qu'il lui ressemble, me dit-elle.
Oui, Adam était le reflet de son père. Il s'endormais doucement sous le regard humide de sa mère. Sous mon regard à moi, plein d'espoir, malgré la peine. Nous ne pouvions plus regarder en arrière, ne serait-ce que pour Adam. Il ne pourrait pas pleurer un passé qu'il ne connu pas. On se devait, nous tous, dans le souvenir de son père, le porter vers l'avenir, se montrer fort. Ce petit être c'était le symbole de notre avenir.
- Demain nous irons voir Paul et nous emmènerons Adam, dis-je.
J'étais sûr qu'Adam aurait sur Paul le même effet qu'il avait sur moi à cet instant.
Lou hocha la tête en signe d'approbation.

Comme chaque soir Lou avait fini par s'endormir à mes côtés. Les somnifères n'étaient pas une véritable solution, mais j'imagine que c'était mieux pour elle d'être plongée quelques heures dans le néant. Je me plongeais à nouveau dans l'écriture de Till.


Le lendemain, nous étions attablés à la terrasse d'une brasserie. Deux adolescentes me regardaient en pouffant, j'attendais avec agacement le moment où l'une d'elles allait avoir le courage de s'approcher. Lou rit beaucoup face à mon agacement.
- Je sais que tu ne trouve pas cela très drôle, je suis désolée...
- Ca te fait rire, c'est au moins une point positif, dis-je.
Les deux jeunes filles s'étaient enfin décidées et s'approchèrent, s'excusant mais elles étaient de grandes fans et elles auraient aimé faire une photo avec moi. Je pris la décision d'être gentil et acceptai.
- Voilà pourquoi je déteste la ville, déclarai-je une fois les deux adolescentes parties.
- Dis-toi que tu viens de réaliser leur rêve et ensoleiller leur journée.
En public, Lou était distante physiquement. Je n'avais qu'une envie, la prendre par la taille, lui caresser la main, mais je savais qu'il valait mieux ne rien laisser paraître.
Alors que je payais l'addition, mon téléphone vibra dans ma poche. C'était un message de Nele.
- Ma fille veut me voir, elle a quelque chose à m'annoncer, dis-je à Lou.
- Je vais te laisser alors. Je dois rejoindre James à la galerie de toute façon.
Elle ne m'embrassa pas, se contentant d'un sourire. La silhouette me tourna le dos et je me laissai hypnotiser quelques seconde par le balancement es ses hanches, jusqu'à ce qu'elle tourne le coin de la rue.

Je me souviendrai toute ma vie de cette scène dans les moindres détails. La lumière de la montée d'escaliers, le jean troué aux genoux et le chemisier vert que portait Nele, l'odeur du gateau aux pommes qui sortait juste du four.
- Salut papa ! Me lança Nele en ouvrant la porte.
- Bonjour répondis-je en la serrant dans mes bras.
Elle fit du café en discutant de tout et de rien. Une fois assise en face de moi sur un fauteuil je lui demandais :
- Alors qu'as-tu à ma dire ?
- Tu vas être grand-père, annonça-t-elle »
La surprise me paralysa une seconde, puis je me levai d'un bon pour prendre ma fille dans les bras. Mon bébé allait devenir maman, c'était incroyable. J'étais heureux pour ma fille, elle qui m'avait si souvent dit qu'elle voulait un enfant. J'avoue que cela me donnait également le vertige, une petite angoisse. Allait-elle s'en sortir ? Je crois qu'elle comprit mon inquiétude et me dit en riant :
- Tu t'en es bien sorti toi.

Vingt heures trente, chez Paul, le groupe au complet. Je venais de leur annoncer que j'allais être grand-père. Ils me firent tous une accolade ou m'embrassèrent pour me féliciter. Avec son enthousiasme habituel Paul avait crié « Champagne ! » et s'était précipiter dans la cuisine pour prendre une bouteille.
Ce fut une bonne soirée entre amis. Nous parlions de nos idées pour la future tournée, de nos vie, de nos enfants.
Plus tard je me retrouvai seul avec Flake dans la cuisine.
- Quel coup de vieux Till ! me dit-il. Tu vas être grand-père, je n'y crois pas !
- Je n'en reviens pas moi-même ! C'est tellement bizarre. Ma petite Nele avec un bébé...
- Pas si petite que cela, elle a bientôt trente ans !
Nous discutions tout les deux depuis un petit moment déjà. Je décidai de lui parler de Lou. Flake avait une capacité d'observation incroyable, il aurait deviné immédiatement en me voyant auprès d'elle et on avait programmé une séance photos pour la pochette du nouveau single la semaine suivante.
- Flake, il faut que je te dise un truc. Je préfère que cela reste entre nous pour le moment.
- Je t'écoute.
- J'ai couché avec Lou.
Moment de blanc. Flake semblait réfléchir à la réaction qu'il devait avoir. Il n'arrivait pas à se décider.
- C'est du sérieux, ou c'est juste un coup comme ça ? me demanda-t-il.
- J'en sais trop rien, cela vient juste de se produire.
- Oui, mais toi, comment tu considères cela ?
À mon tour je ne su que répondre. Je ne voulais pas que ce soit « un coup comme ça ». Je ressentais des choses pour Lou, quelque chose de nouveau. Je le dis Flake.
- Mon pauvre vieux, j'ai l'impression que tu viens de tomber amoureux pour la première fois de ta vie! s'exclama-t-il en ma tapant sur l'épaule.
- Non.
- Écoute, vois comment tout cela évolue. Si ça devient sérieux il faudra le dire aux autres. On est amenée à travailler avec elle encore quelques temps, elle doit réaliser un autre clip et partir en tournée avec nous...
- Je sais.

Deux heures du matin, je décidai de rentrer. Schneider et Ollie étaient partis depuis quelques minutes et la femme de Paul venait de rentrer. Flake et Richard étaient venus ensemble avec la voiture de ce dernier, les deux avaient trop bu pour conduire. Je proposai de prendre le volant. Je déposais d'abord Flake, puis Richard qui dormais place passager. Arrêté devant chez lui je lui tapai sur l'épaule :
- On est arrivé mon vieux.
- Ah ouais... il défit sa ceinture de sécurité. Rentre chez toi avec ma bagnole, je la récupèrerai plus tard.
- C'est sympa, merci.
Il descendit de la voiture et claqua la portière. Alors que j'allais enclencher la première pour repartir, il toqua au carreau. Je fit descendre la vitre.
- Till, je te demande qu'une chose : ne lui fais pas de mal.
Il tourna les talons.


La suite ? Elle se trouve ici.

mardi 29 avril 2014

Nur Götter dürfen uns berühren - 6

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Lou rentra tard. Il était presque minuit lorsqu'elle franchit la porte de la chambre. Elle me sourit et me prit dans ses bras.
- As-tu passé une bonne journées ?
- Tu ne peux pas savoir le bien que cela m'a fait de reprendre le travail, chuchotta-elle.
Elle se dirigeat vers le berceau où dormait Adam. Je m'approchai aussi. Elle caressa la toute petite main du bébé.
- Ce que j'ai envie de le prendre dans mes bras. Il m'a manqué aujourd'hui.
Elle ramena une mèche de cheveux derrière son oreille, laissant apparaître la grande cicatrice claire sur sa tempe, cicatrice dont je me sentais en partie responsable.
- Qui a-t-il ? Demanda-elle.
Je la regardais avec trop d'insistance.
- Rien, excuse-moi.
Elle sourit et resta silencieuse, posant à nouveau son regard sur son fils.
- J'ai commencé à lire le cahier que Till t'as laissée, dis-je. J'ai un peu de mal à lire tout d'un coup, c'est beaucoup de souvenirs...
- Prends tout le temps qu'il te faut.
Elle s'éclipsa dans la salle de bain pour en sortir vingt minutes plus tard vêtue d'un bas de pyjama gris et d'un débardeur noir. Il y avait deux lits dans la chambre, mais elle avait prit l'habitude de venir avec moi, me tenant la main pour s'endormir. Elle trouva rapidement le sommeil. Quant à moi, je ne parvenais pas à m'endormir. Alors sans faire de bruit, j'allumai la lampe de chevet et repris ma lecture.



Cela faisait trop de temps qu'on se tournait autour, que les regards que nous échangions étaient lourds de sens et de désir. Ces semaines passées en Californie, le tournage des deux premiers clips, et cette préparation de la nouvelle tournée, tout cela nous avait à la fois rapproché mais empêchait d'entreprendre quoi que ce soit. Lou était professionnelle, quant à moi j'essayé de me raisonner et de me dire qu'une relation dans cette collaboration artistique allait nuire au groupe, à la tournée. En même temps, je me le cachais à moi-même, mais je savais que ce n'était pas une simple histoire de cul.
Nous étions le soir du vernissage de l'exposition consacrée à la période de composition et d'enregistrement de notre nouvel album et que Lou avait intitulée « Rammstein : Komposition ». James, le directeur de la galerie où elle exposait, qui était aussi son manager en quelque sorte était heureux de cet événement qui n'avait jamais autant amené de monde dans sa galerie, et en même temps il appréhendait tout cette agitation. Steffen, notre manager, lui avait conseillait de faire appel à un service de sécurité en lui disant sur le ton de l'humour qu'il n'y avait rien de plus dangereux que les fans et les groupies. Nous avions choisit ce même jour pour faire écouter notre nouvelle album aux journalistes, il serait disponible pour tous dès le lendemain.
La soirée s'annonçait longue : conférence de presse à 18 heures après l'écoute de l'album dans les locaux de notre maison de disque, et vernissage à 21 heures, en présence des mêmes journalistes et d'un grand nombre d'invités. J'aurais aimé me défiler, comme je le faisais la plupart du temps, mais pour la sortie d'un nouvel album, cela n'était pas possible. D'un autre côté j'étais heureux de présenter notre projet commun avec Lou.
La conférence de presse dura un peu moins de deux heures, où il avait été question de l'album, de la sortie future des deux clips qui avait été tourné et qui étaient maintenant au montage, et bien sûr de notre collaboration avec cette fameuse Lou Bouvier-Muller. Lorsque notre producteur mit fin aux questions je ressentit un immense soulagement. Décidément, le jeu des questions réponses avec les journalistes n'était pas fait pour moi...
Tous les six nous nous apprêtions à descendre de la limousine. James avait sorti le grand jeu, avec tapis rouge et barrières de sécurité. Ces dernières étaient, à vrai dire, nécessaires, journalistes et fans se bousculaient pour nous apercevoir. Richard descendit le premier, suivit de Christoph et Flake. Ollie, qui, comme moi, détestait cet exercice hésita avant de se jeter dans la fosse au lions à son tour. Je lui emboitait le pas, Paul, enthousiaste comme à son habitude, derrière moi. Nous nous prêtons au jeu des photographes qui nous appellent de tout les côtés. Nous restèrent plus d'un quart d'heure sur le tapis rouge pour répondre à la demande des fans. Comme mes collègues, je signais bon nombre d'autographes et fis tout autant de photos avec les fans criant des « Till, on t'aime ! » et autres déclarations du genre.
Je fus le premier à enter dans la galerie. Je la vis là au milieu de la pièce. Elle nous attendait. Je la trouvai encore plus belle que d'habitude dans une robe bustier noire courte, toute simple avec un large ruban de satin bleu serrant sa taille. Elle avait fait boucler ses cheveux qu'elle avait ramenés sur son épaule gauche. Un maquillage dans les tons sombres mettaient ses yeux en valeur. Elle portait des escarpins noirs qui donnaient une longueur vertigineuse à ses jambes. Elle me sourit dès qu'elle me vit.
- Bonsoir, me dit-elle. Quelle folie dehors !
- Oui, c'est la règle du jeu pour nous...
- Salut ma belle ! s'exclama Richard qui arrivait derrière moi
Il la prit dans ses bras :
- Je suis heureux qu'on y soit enfin, dit-il
Tout le groupe la salua. Elle semblait si épanouie, elle était si belle, si désirable.
Les journalistes, une partie de ceux que nous avions déjà vu l'après-midi se jetèrent à nouveau sur nous pour poser des tas de questions. Schneider était à mes côtés, et avec son franc parlé il déclara au journaliste qui s'approchait de nous que nous avions assez répondu aux questions cette après-midi :
- C'est à la photographe, l'artiste de cette exposition qu'il faut s'intéresser ce soir. Vous voyait c'est la bombe qui est là-bas. Elle se fera un plaisir de vous répondre... dit-il en le poussant dans la direction de Lou.
Il s'approcha d'elle, un bloc note en main. Il semblait gêné mais ce fut elle qui engagea la conversation. Schneider se tourna vers moi :
- Je me demande comment ces types peuvent poser autant de questions !
- Oui, c'est incroyable, répondis-je.
- Heureusement que Sarah n'est pas venue ce soir...
- Pourquoi, vous vous êtes disputés ?
- Non, mais parce qu'elle est jalouse et j'imagine sa réaction en voyant Lou qui est juste... resplendissante ce soir. Sarah pense que Lou me fait de l'effet, ce qui n'est pas complètement faut, mais mon amour pour elle est bien plus fort. Va lui faire comprendre cela...
- Les joies de la vie de couple! dis-je en riant.

La soirée continua autour de coupes de champagnes et de petits fours. Lou avait été accaparé par les journalistes pendant une bonne partie de la soirée. Richard avait sans doute trouvé la fille avec qui il allait passé le nuit. Ollie et Paul avaient été rejoint par leurs femmes. Schneider était en grande discussion avec Steffen. Je restais avec Flake et deux femmes, sans doute des groupies cachant leur hystérie et qui étaient parvenues à rentrer dans la galerie, qui nous draguaient ouvertement. Flake leur faisait le conversation, mais je ne suivait pas un mot de ce qu'ils disaient, je ne cessais de chercher Lou du regard.
À un moment Flake et moi nous retrouvèrent seuls. Il me dit :
- Je ne t'ai jamais vu comme cela. C'est bien plus que de l'attirance physique.
- C'est une question ? demandai-je sans chercher à faire semblant de ne pas comprendre de quoi il parlait.
- Non, une affirmation.
Je ne cherchai pas à me défendre, Flake était bien trop observateur et intelligent pour me percer à jour. Et de toutes façons les deux brunes qui nous avaient traqué toute la soirée étaient de retour.

Une heure trente du matin. Il ne restait presque plus personne dans la galerie. Les serveurs avaient remballé le buffet, laissant le champagne, les journalistes étaient partis, Paul et Ollie étaient rentrés avec leurs chères et tendres depuis un moment déjà. Flake passait le pas de la porte au bras d'une des deux filles qui nous avaient tenu compagnie, suivit de prêt par Richard et sa conquête.
Quoi ! s'exclama Christoph en s'approchant de moi ? Till non accompagnée en fin de soirée ! Tu es malade ?
- Non, répondis-je simplement.
- Je rentre moi, me dit-il en me faisant une accolade. On se voit dans la semaine.
-Rentre bien, bonne nuit.
Je cherchais Lou du regard, elle trinquait avec James à la réussite de ce vernissage. Je les rejoignis.
- Puis-je trinquer avec vous ?
- Tu oses poser un question pareille ! s'exclame Lou en me tendant sa coupe de champagne.
Elle s'en servit une autre et leva son verre. James déclara :
- À la réussite de cette exposition !
- À notre collaboration, dis-je à mon tour.
- Oui, à ce projet merveilleux qui est encore loin d'être terminé ! dit Lou en faisant tinter son verre contre les nôtres.
James avala le sien d'un trait et dit :
- Mes enfants, je ne veux pas vous mettre à la porte, mais il est temps que je ferme la galerie.
- Je vais t'aider, dit Lou.
- Non, ne t'en fais pas. Je n'ai qu'à éteindre les lumières, mettre l'alarme et fermer.
Lou embrassa James sur les deux joues et le remercia pour tout.
Quelques minutes plus tard nous nous retrouvions tout les deux dans la rue.
- On va boire un verre quelque part ? proposais-je.
- À cette heure plus aucun bar ne doit être ouvert, fit-elle remarquer, je n'aime pas trop les boites de nuit... On peut aller chez moi, j'ai une bouteille de vodka au congélateur et on est à dix minutes à pied.
- Je te suit.
Nous marchions en échangeant quelques mots sur la soirée. Elle me disait aimer marcher dans la ville la nuit, cela avait quelque chose de magique en effet. Puis nous nous tûmes. Je sentais parfois son épaule effleurer mon bras, ces brefs contacts entre nos deux épidermes faisait monter en moi le désir que j'avais d'elle.
- Tu es très belle. 
Les mots étaient sortis de ma bouche sans le consentement de mon cerveau. Elle me sourit, mais pas un sourire gêné que l'on fait face à un compliment. Je compris celui-ci comme un encouragement, une réponse du genre « Alors, qu'est-ce que tu attends ? ».
Nous étions arrivé en bas de son immeuble. Nous rentrâmes dans l'ascenseur. Il y avait de la place pour au moins trois autres personnes mais elle se mit très près de moi. L'ascenseur commença à monter. Je me tournai vers elle et elle fit de même. Elle m'embrassa alors passionnément, attrapant mon visage dans ses deux mains. Je la pris par les hanches la serrant contre moi. Je voulais qu'elle sente mon désir pour elle. L'ascenseur s'arrêta, nous ne cessions de nous embrasser. Lou sauta à mon cou entourant ma taille de ses jambes. Je sortis sur le palier la guidant jusqu'à la première porte d'appartement que j'aperçu.
-C'est celle d'en face, me dit-elle entre deux baisers langoureux.
Je traversai le couloir et la plaquait contre la porte d'entrée. Nous nous embrassâmes encore quelques secondes puis elle desserra son étreinte, fouilla dans son sac pour trouver les clefs de l'appartement. Elle me tourna le dos pour ouvrir. Alors qu'elle tournait la clef dans la serrure je lui embrassais la nuque et lui caressais les fesses. Elle s'engouffra dans l'appartement, jetant son sac par terre. Je la pris à nouveau dans les bras caressant en même temps son dos et sa cuisse. Je remontait ma main jusqu'à ses fesses qui étaient habillées de dentelle. Toujours dans l'entrée, dans la pénombre, elle me retira ma veste et mon tee-shirt sans cesser de m'embrasser. Son souffle et les battements de son cœur disaient son excitation. Je défis la fermeture Éclaire de sa robe qui glissa sur le sol. Elle ne portait pas de soutien gorge. Je caressai un sein. Elle ouvrit ma braguette et passa sa main dans mon pantalon caressant mon membre qui ne désirait qu'elle, tout en me rendant des baisers de plus en plus ardents. Je fus agréablement, cela va sans dire, surpris par ce côté entreprenant. Elle me sauta à nouveau au cou, et je la portai jusque dans la pièce qui semblait être le salon. Je la plaquai contre le mur. Malgré l'absence de lumière je voyais son regard plongé dans le mien. J'enlevai mon pantalon et mon caleçon, et baissai sa culotte en dentelle. Je la pénétrait là, contre le mur, m'agrippant à ses cuisses et ses fesses. Elle gémi légèrement, et moi également. Elle me regardait dans les yeux caressant ma nuque avec une main, mon dos avec l'autre. Je faisais des mouvements assez lents mais profonds. Elle ferma les yeux et bascula la tête en arrière, murmurant dans un souffle un « oui » en français.
- La chambre, me dit-elle en indiquant la gauche avec sa tête.
Je me dirigeais vers le pièce qu'elle m'indiquait, toujours en elle. Je l'allongeai alors sur le lit, moi sur elle. Je sentis qu'elle me poussait légèrement. Je m'allongeai alors sur le dos, elle au dessus de moi. Je pouvais admirer son corps dans l'ombre, caresser sa poitrine, son dos. Elle maîtrisait les mouvements de vas et vient qui s'accéléraient petit à petit. Alors quand je sentis l'orgasme arriver je me levai brusquement, la portai pour, à nouveau, la plaquer contre le mur. Elle gémit plus fort, plantât ses doigts dans mon dos, je sentis son vagin se resserrer encore un peu plus autour de moi, elle s'abandonna. Je jouis.
Nous restions là, moi en elle, encore quelques instants. Je sentis mes jambes trembler, j'étais épuisé. Alors je fis deux pas en arrière et nous laissai tomber sur le lit. Elle resta une minute encore allongée son corps sur le mien, sa tête contre mon torse. Je fermai les yeux, au bout de quelques secondes je sentis son corps bouger, elle se releva et m'embrassa langoureusement. Je lui rendis son baiser. Elle s'allongea à côté de moi, sa tête sur mon épaule. Et je m'endormis, satisfait et paisible.
Le lendemain matin je fus réveillé par le jour qui passait à travers mes paupières clauses. Je restais un instant les yeux fermés, me demandant si les souvenirs de la veille n'étaient pas un rêve. Je compris vite que non : les draps dans lesquels je me trouvaient avaient l'odeur de Lou et j'entendis de l'eau couler dans la salle de bain. Elle venait de rentrer sous la douche. J'ouvris enfin les yeux. Je me trouvais dans une chambre lumineuse aux murs clairs et au mobilier en bois, clair lui-aussi. Les murs étaient décorés de photos anciennes en noir et blanc. Des tas de livres recouvraient la table de nuit sur laquelle je pus voir le réveil qui indiquait onze heures moins vingt.
Je me levai et me dirigeai vers la salle de main. J'aperçus le corps de Lou à travers la vitre de la douche embuée. Je la rejoignis. Elle sursauta légèrement en sentant ma présence et se tourna vers moi. Elle avait de la mousse dans le cheveux et il restait quelques traces de maquillage sous ses paupières. Elle me sourit et m'attira à elle sous le jet d'eau tiède.
« -Bonjour, lui dis-je.
- Bonjour, tu as bien dormi ?
- Très bien. »
Elle caressait mon corps et je l'embrassai. Nous fîmes une nouvelle fois l'amour ce matin là.

On se trouve ici pour le chapitre suivant.

vendredi 25 avril 2014

Nur Götter dürfen uns berühren - 5

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Cette lecture se révélait quelque peu éprouvante pour moi. J'avais l'impression de violer l'intimité de Till. J'étais surpris par le lucidité avec laquelle il analysait son comportement. Je me remémorais moi aussi ces instants. S'il avait été attiré par Lou, elle aussi, dès le début avait ressentit des choses pour lui. Je me souviens des regards qu'elle lui lançait, et ses efforts pour faire comme s'il ne se passait rien en elle. 
Depuis notre rencontre, dès les premiers instants, j'avais pu lire en elle comme dans un livre ouvert. Enfin, la vérité c'est que j'avais eu d'abord envie de la séduire.
En visite à Paris, Arnaud m'avait trainé au vernissage d'une exposition de photographies dans une galerie d'art en vogue à l'époque. J'étais dans l'état d'esprit du chasseur qui ne compte pas rentrer à l'hôtel seul. Je m'en foutais pas mal des œuvres. Puis en arrivant, j'avais été frappé par ces clichés plein d'une sorte de violence sourde. Autour de moi, beaucoup de jeunes femmes, plus belles les unes que les autres. Mais c'est sur Lou que mes yeux se posèrent véritablement. Lou avait toujours eu une beauté particulière. Pas ce genre de beauté qui vous saute aux yeux, mais un charme discret dans son visage, une sensualité dans ses gestes et sa manière d'être, une part de mystère aussi. Alors non, ce n'était pas plus belle de la soirée. Mais c'est elle que j'abordai.
- Ces photos doivent sans doute être l'oeuvre d'une grosse brute.
Elle explosa de rire. Parce que bien évidement, je ne savais pas que c'était elle l'artiste et il avant fallut que je l'aborde avec cette accroche. Elle ne le prit pas mal, et la glace était rompue.
Quelques heures plus tard, dans ma chambre d'hôtel, les choses ne se passèrent pas comme je l'avais prévu. Nos gestes étaient si maladroits ! Griffures et morsures involontaires, et j'en passe... Sans doute la pire relation que je pouvais imaginer. Mais ce que nous avons rit. Aux éclats. Passant le reste de la nuit à discuter comme de vieux amis qui ne s'étaient pas vu depuis des années.
Depuis ce soir là nous nous téléphonions souvent, tous les jours presque. J'allais souvent à Paris pour la voir aussi.
Adam dormais à points fermés. Je le regardais en pensant à sa mère. Lou n'avait vraiment pas eu une existence simple. Je me souvins d'un soir où nous nous étions racontés notre enfance, la vie difficile en Allemagne de l'Est pour moi, les difficultés avec ma famille... Puis à son tour elle avait révélé ses blessures.
- Ce que je t'ai raconté, je ne l'ai jamais dit à personne.
Lorsqu'elle avait dix ans, elle a eu un accident de voiture avec ses parents et son frère alors qu'ils revenaient de vacances. Elle avait été la seule à survivre au choc. Je n'osais même pas imaginer ce qu'une telle épreuve pouvait représenter pour une enfant. Mais alors que je croyais qu'elle venait de me révéler sa véritable blessure, elle me révéler la véritable raison de cet air mélancolique toujours présent dans son regard. Elle décrit tout dans les détails, me donnant presque à voir ce qu'elle avait vécu.

Lou était heureuse que le cours de mathématiques ait été annulé au dernier moment, lui laissant une après-midi libre pour se retrouver seule comme elle aimait souvent le faire. Elle était aussi ravie d'échapper aux chiffres et autres figures géométriques, qu'elle trouvait trop froides et qu'elle était incapable de maîtriser.
- Vous êtes un cas désespéré, avait dit un jour son professeur en constatant son incapacité à comprendre le fonctionnement et l'utilité d'une équation.

Lou vivait chez son oncle et sa tante depuis le décès de sa famille. La sœur de son père l'avait accueilli dans sa famille.
- J'étais une adolescente introvertie, un peu mélancolique.
Lou rentrait donc à la maison, ravie de se trouver seule quelques heures. Elle avait besoin de mettre un peu d'ordre dans sa tête. Depuis quelques semaines elle fréquentait un garçon, Thomas. Il avait deux ans de plus qu'elle. Elle avait de l'affection pour lui et une véritable attirance, mais elle n'était pas amoureuse.
- Enfin, c'est ce sue je me disais. Ce que je ressentais pour Thomas n'avait pas d'écho dans toute la littérature que je consommais de manière boulimique.
Elle avait sourit en se faisant cette réflexion, se moquant d'elle-même : « je suis la nouvelle Emma Bovary... ». Elle s'était trouvée tellement ridicule qu'elle avait ri ouvertement. Cela lui avait valu une heure de colle, parce qu'évidement elle avait eu cette pensée pendant un cours de maths...
Ce qu'elle aimait avec Thomas c'était le sexe. Pas le sexe pour lui même, non, elle n'avait pas encore connu l'orgasme. Elle découvrait son corps, celui de l'autre aussi, et ressentait en elle ce bouillonnement qui s'empare des nos veines. Elle était une exploratrice des sensations et commençait à comprendre que l'on pouvait s'abandonner complètement. Dans sa relation avec Thomas elle appréciait n'avoir aucune sensation de manque : elle pouvait passer des jours sans le voir sans que cela lui fasse mal. Son amie Dorine ne la comprenait pas. Cette dernière ne pouvait passer plus d'une demi-journée sans voir son petit ami, et se précipitait dans ses bras à chaque moment de pose entre deux cours. Dorine avait conclu que Lou était une sorte d'extra-terrestre.
Arrivée chez elle, Lou se précipita vers la cheminée : l'hiver était glacial. Elle resta devant l'âtre quelques minutes puis monta dans sa chambre. En entrant elle poussa un cri, effrayée. Son oncle était assis à son bureau, tournant le dos à la porte.
- Bon Dieu ce que tu m'as fait peur ! S'exclama Lou, le souffle court.
- Désolé, répondit-il sans se retourner.
- Que fais-tu ici ? Demanda-t-elle, fâchée qu'il se permette d'entre ainsi dans sa chambre.
- J'ai trouvé ceci dans tes affaires...
Elle se déplaça pour voir l'objet en question, posé sur le bureau. C'était une boite de préservatifs. Elle sentit le rouge lui monter aux joues, puis se reprit. Son oncle ne la regardait toujours pas, fixant la boite posé sur le bureau.
- Et alors ? Demanda-t-elle, insolente.
- Tu n'est plus vierge ?
- Qu'est-ce que cela peut bien te foutre ? Cela ne te regarde vraiment pas.
Son oncle la regarda enfin, avec une expression bizarre. Il se leva et lui fit face. Il s'était positionné très proche d'elle, trop proche. Il la regarda de la tête aux pieds. Elle se sentit mal à l'aise. Il la prit dans ses bras. Elle se dégagea de son étreinte, il n'insista pas.
- Tu es entrain de devenir une très belle femme, dit-il.
- Non mais qu'est-ce qu'il te prend !
Lou était dos au mur et sentait que la situation était anormale. Mais elle n'était pas effrayée, pas encore. Il s'approcha d'elle et plaqua son corps massif contre celui de Lou. Elle ne pouvait plus bouger. Elle dit :
- Arrête, s'il te plait. Je ne trouve pas ça drôle.
- Ce n'est pas sensé l'être...
Il parlait avec une voix qu'elle n'avait jamais entendu. Elle avait peur. Alors il tenta de l'embrasser. Elle serait les mâchoires de toutes ses forces, tournant dans des mouvement brusques sa tête dans tous les sens pour échapper aux lèvres de son oncle. Alors, il sera une main autour du cou de Lou. Elle stoppa net ses mouvements. Elle avait du mal à respirer, elle était immobilisée. L'oncle passa sa main libre sous le pull de la jeune fille et commença à lui caresser le ventre et les seins. Elle voulait crier, mais le souffle lui manquait. Elle voulait le repousser, mais elle était incapable de bouger. Pour la déshabiller, il du desserrer son étreinte. Elle voulait s'échapper, partir en courant. Mais le seule chose qu'elle fut capable de faire, ce fut de dire :
- Arrête, s'il te plaît.
Il sourit, lui enlevant son soutien gorge et son jean. Il se pressa à nouveau contre elle. Elle sentait son pénis en érection contre son ventre et se mit à trembler. Ses jambes ne purent plus soutenir son corps qui se laissa glisser contre le mur jusqu'au sol. Son oncle se déshabilla entièrement. Il la prit voilement par le bras et la jeta sur le lit. Elle tremblait toujours. Elle voulait hurler, se débattre, mais rien à faire : son cerveau était incapable d'envoyer les message nécessaires à ses membres pour agir. C'est comme si elle était à l'extérieur de son corps, elle voulait se gifler : « Fais quelques chose » criait une voix dans sa tête. L'homme lui arracha sa culotte et s'allongea sur elle. Elle eut le réflexe de serrer les cuisses. Mais quarante cinq kilos de femme ne peuvent rien contre quatre-vingt dix kilos de muscles muent pas un désir lubrique. Il la pénétra. Elle ne ressentit pas une douleur atroce comme elle l'appréhendait. La sensation était désagréable, c'est tout. Elle tourna la tête de manière à ne pas le voir. Elle fixait le mur. Une larme perla et glissa sur sa tempe pour disparaître dans ses cheveux. La respiration de l'homme sur elle était de plus en plus forte, ses mouvements de plus en plus rapides. Elle languissait qu'il termine
- Les secondes me paraissaient des années.
Quand il eut fini, il se releva et se rhabilla. Lou tourna tout son corps vers le mur, repliant ses jambes vers sa poitrine. Une fois rhabillé, il alla s'assoir au bord du lit et se mit à lui caresser les cheveux.
- Tu es une gentille fille, dit-il.
C'est ce qui lui fit le plus mal. Plus que les gestes, cette phrase lui porta le coup fatal. Il se leva et partit referment délicatement derrière lui la porte de la chambre. Lou resta là, incapable de bouger. Incapable de penser. Incapable de vivre. Au bout de quelques minutes, ou de quelques heures, elle réussit à se trainer jusqu'à la douche.

Quand sa tante l'appela pour passer à table le soir, elle descendit à la cuisine, comme un automate. Son oncle se comportait comme si de rien n'était. Le repas se déroula comme chaque soir. Lou n'arriver pas à manger.
- Quelque chose ne va pas ? demanda son oncle.
- Je ne me sens pas très bien, c'est tout.
Elle aida sa tante à débarrasser la table. Son oncle et son cousin étaient encore assis. Elle se tenait devant le lave-vaisselle, les assiettes à la main. Les mots sortirent de sa bouche avec le même ton que si elle avait affirmé qu'il faisait froid. Il n'y avait ni tristesse, ni colère, ce fut une simple affirmation :
- Patrick m'a violé.

- Cette simple phrase me value de passer presque la totalité de sa seizième année en hôpital psychiatrique. J'étais dépressive, mais pas au point d'être enfermée. Bien sûr, ma tante ne m'avait pas cru, me traitant de folle. C'est elle qui avait prit la responsabilité de me faire interner. Ne ne lui en voulais pas, j'en voulais à Patrick. S'il avait avoué, il m'aurait épargner ces longs mois au service de pédopsychiatrie. Mais que valait la vie d'une orpheline dépressive face à la tranquillité d'une homme équilibré ?


La suite ? C'est par ici.

Nur Götter dürfen uns berühren - 4

Le chapitre 3 est ici.


J'avais installé Adam dans sa poussette pour descendre au restaurant de l'hôtel. Je lui avait donné son biberon entre l'entrée et le plat principal, puis il s'était endormi. Lou m'avait appelé :
- Tout se passe bien avec Adam ?
- Il est adorable, comme d'habitude. Et le tournage alors ?
- Tout se passe très bien, ça fait du bien de reprendre le travail. Par contre je pense que je vais terminer assez tard ce soir.
- Il n'y a pas de problème. Et ne t'inquiète pas ton fils est entre de bonnes mains.
Elle rit.
- Merci et à ce soir.

Assis en terrasse avec mon café, je repris ma lecture.


Des mois que nous étions sur la composition de cet album. Et, comme d'habitude, cela se passait sous tension, parce que, comme d'habitude, personne n'était d'accord sur quoi que ce soit. C'est vrai que l'idée de départ, se retrouver tous ensemble, bosser en équipe, comme au bon vieux temps m'avait vraiment enthousiasmé. Mais voilà, les choses changent, nous n'avions plus la jeunesse et l'insouciance des débuts.
Comme prévu, Lou avait été présente à chaque étape de notre travail. On avait composé et fait les premiers enregistrements en Allemagne, dans des lieux différents, puis au début de l'hiver 2008 nous étions tous à Los Angeles pour enregistrer nos morceaux. Je crois qu'au départ nous avions trouvé la présence de Lou un petit peu bizarre, dérangeante. On se sentait épié. Ce sentiment ne perdura pas, seulement les deux ou trois premiers jours. Elle avait su se faire discrète, presque invisible. Elle restait silencieuse, se contentant de manipuler son appareil photo ou sa caméra. Elle avait également subit les tensions et le engeulages sans dire un mot, s'éclipsant au bon moment.
J'avais l'impression qu'elle devenait notre ombre, et je crois que sa présence a joué un grand rôle, finalement. Pour moi, elle était devenue un obsession. Je là cherchais des yeux dès qu'elle n'était plus dans la pièce, je fuyais son regard lorsqu'elle posait ses yeux ou son objectif sur moi. En dehors des moments de travail elle était là avec nous, riant aux histoires de Paul, prenant parfois une guitare ou s'instalant au piano pour improviser quelque chose avec Richard ou Ollie, discutant art avec Flake, ou se lançant dans des expérimentations culinaires pas toujours très concluantes avec Schneider. Elle s'intéressait sincèrement à chacun d'entre nous, nous posant des questions sur nos vies, demandant des nouvelles de nos familles.
- Tu nous fais toujours parler, mais nous ne savons quasiment rien de toi, lui avais-je dit un jour.
- Je n'ai pas eu une vie aussi longue et riche que vous tous, répondit-elle en souriant.
Je ris.
Malgré son jeune âge, je savais qu'elle avait vécu des choses difficiles, ses parents et son frère étaient morts dans un accident lorsqu'elle était enfant. Richard m'avait expliqué ça avant que je ne la rencontre. Je lui avait fait une leçon du genre : « tu ne vas pas jouer les super héros en sauvant cette gamine orpheline ». J'avais trouvé ridicule de lui avoir dit cela lorsque j'ai fait la connaissance de Lou, pourtant la remarque avait été légitime. Richard passait son temps à se taper des minettes, apprenties mannequins en manque d'argent et de relations, ce qui m'énervait au plus haut point. Pas qu'il couchent avec elles, non, je faisais la même chose, mais qu'il veuille se donner bonne conscience en faisant quelque chose en retour, souvent payer un book ou les mettre en relation avec des amis tenant des agences de mannequina.
Enfin bref, nous étions tous à Los Angeles en cette fin d'année 2008 et mon attirance pour Lou tournait à l'obsession. Je m'en rendis compte un soir, assez tard. Je ne parvenais pas à m'endormir et sortis prendre l'air et fumer une clope. Je faisais le tour de la villa et arrivai du côté de la chambre de Lou. La pièce était éclairée, dessinant un rectangle jaune sur la pelouse. Je restais caché dans l'ombre et la vis assise sur son lit, son ordinateur sur les genoux. Je restais là, admirant son profil, son air concentré. Elle ramena une mèche de cheveux derrière son oreille. Au bout de quelques minutes elle se leva et commença à se déshabiller. Je m'arrêtais presque de respirer. Elle retira son pull et son jean, se retrouvant en sous vêtements. Elle se dirigeât dans la salle de bain. Au bout de quelques minutes elle réapparu dans la chambre, seins nus, entrain de se brosser les dents. Elle se penchât à nouveau sur son ordinateur, sans doute pour l'éteindre. Je revois encore ses courbes, son ventre plat avec les os du bassin légèrement saillants, l'arrondit de ses fesses, le galbe de ses seins, la sensualité de ses épaules si bien dessinées. Elle retourna dans la salle de bain, me laissant là avec une érection pas possible. Si Lou offrait à ma vue une sensualité sans nom, j'offrais sans doute un spectacle ridicule au point d'en être comique, caché dans l'ombre, une cigarette éteinte à la bouche.
J'aurais sans doute du me dire à ce moment là qu'il se passait quelque chose en moi de totalement nouveau. Certes, j'avais souvent, trop souvent, été attiré par de jolies jeunes femmes, j'avais eu envie d'elles, mais je m'étais toujours conduit en homme : je les séduisais pour obtenir ce que je voulais. Jamais je n'avais eu cette attitude d'adolescent. Dans mon lit, je me masturbais en pensant à elle, poussant le ridicule à son comble. La tête posé sur l'oreiller, je me rendis compte que je ressentais quelque chose de particulier pour elle, mais je rejetai immédiatement cela loin de moi. Assez de conneries avec l'amour et les femmes, j'étais trop vieux. Puis je venais de me séparer de Petra, et je n'avais pas envie de me faire chier avec une nouvelle histoire. Décidément la vie de couple ce n'était pas faite pour moi, tout était trop compliqué. 
Alors, quand la sensation d'un sentiment particulier pour Lou me traversa l'esprit, je fis ce que je sais faire le mieux : me mentir à moi-même et me dire que l'attirance était uniquement sexuelle. À cette époque là j'avais vraiment un comportement de merde, de celui à qui on ne la fait. Je faisais celui qui a déjà tout vu, tout vécu, que rien ne surprend. La vérité c'est que je n'avais pas tout vécu, pas tout ressenti. La preuve c'est que face à ce sentiment nouveau en moi j'avais l'attitude d'un gamin et niait.
C'est à cause de ce foutu comportement que les choses se sont si mal passées et que je ressens le besoin d'écrire, de réfléchir à ça. Si je n'avais pas été aussi con, peut-être qu'en se moment je ne serais pas là dans un chambre d'hôtel froide et sans vie à essayer de démêler mon existence.


La suite ? On peut lire le chapitre 5 ici.

mercredi 16 avril 2014

Nur Götter dürfen uns berühren - 3

La partie précédente se trouve ici.


Till évoquait ici le printemps 2007. Onze années écoulées, déjà. Cette rencontre au studio avait été tellement stressante pour moi. J'avais tellement envie que nous travaillions avec Lou. Celui qui me faisait le plus peur c'était Schneider, il fallait toujours avoir des arguments convaincants, et il se montrait encore plus intransigeant lorsque l'idée venait de moi. Mais le travail de Lou avait réussit à les convaincre, tous. Ollie avait été bluffé par les clichés et convaincu avant même de la rencontrer.
C'était à lui que j'avais parlé de Lou en premier. Bizarre quand j'y pense, nous n'étions pas forcément les meilleurs interlocuteurs lorsqu'il s'agissait de parler de femmes. Parce qu'au début, il croyait que je parlais d'une énième conquête. Nos modes de vie étaient en totale opposition. Ollie était l'incarnation de la stabilité, en couple avec Alysson depuis des années il n'avait nullement envie de gâcher son bonheur dans les bras d'autres femmes. J'avais été tellement surpris lorsqu'il m'avait sorti alors que je lui parlais de Lou:
- Est-ce encore un coup de foudre dont tu es souvent victime ? Je suis halluciné de toutes ces histoires passionnelles qui durent quelques semaines ou quelques mois. Richard tu es un vrai collectionneur de femme mais dans le genre romantique, parce qu'à t'écouter il se passe à chaque fois quelque chose de magique !
J'aurais franchement pu me vexer. Mais j'étais trop surpris par sa manière aussi explicite de dire les choses. Il avait tendance, en temps normal, à mettre les formes lorsqu'il avait des avis à formuler. Ça allait avec son caractère discret, il ne voulait pas faire de vague. Quoi qu'il en soit, ce jour là il se lâchait. Il continua :
- En même temps, le fait que tu me parles de cette fille, à moi, me laisse penser que c'est autre chose.
Je souris.
- Oui, c'est autre chose, répondais-je. Pas de coup de foudre cette fois-ci. C'est assez bizarre d'ailleurs. Lorsque je l'ai rencontré j'ai eu l'impression de retrouver une partie de moi-même. On s'est sentit instantanément à l'aise l'un avec l'autre. Ce qui m'a mis en confiance c'est qu'elle ne m'a pas vue comme les autres me perçoivent. Elle a su d'emblée ce qu'il y avait sous mes apparences qui, j'en ai bien conscience, sont assez exaspérantes. J'avoue que tout cela me déstabilise. Je n'ai jamais regardé une femme avec ses yeux là.
Je crois que la relation que j'avais avec Ollie changea à ce moment là. Il savait très bien qui j'étais sous mes cheveux gominés et mon vernis à ongles, mais je crois que c'était la première fois que je me révélais à lui complètement nu. Les relations amicales avec lui et les autres membres du groupe étaient en général des échanges virils. J'entends pas là qu'il est rarement question de sentiments explicitement formulés. Si la compréhension est totale, elle reste toujours silencieuse.
Ollie s'intéressa donc à Lou, me posant des questions sur elle, son métier. J'expliquai qu'elle était déjà une jeune photographe reconnue dans le milieux et une réalisatrice de clips vidéos très prometteuse. Le mot « photographie » fit naître une petite flamme dans son regard. C'est là que je sortis un paquet de mon sac et lui tendis :
- C'est un petit cadeau pour toi.
- Et en quel honneur, avait-il demandé, surpris.
- Ollie ! M'exclamai-je. On n'a plus le droit de faire un cadeau à un pote, juste comme ça, sans raison particulière ?
Il eu un petit rire et déchira le papier. Sous verre, un cliché réalisé par Lou. Lorsque je l'avais vu chez elle j'avais tout de suite pensé à Ollie. Il restait là , regardant la photo, le visage impassible, comme d'habitude.
- Alors ?
- Je ne sais pas trop comment formuler ce que je ressens, mais je peux te dire que j'adore ce cliché.
Il avait voulu voir d'autres travaux de Lou, je l'emmenai chez moi pour lui montrer les quelques photographies que j'avais dans mon salon. Quand j'émis l'idée que le groupe pourrait travailler avec elle, il me dit que ce serait une erreur de ne pas le faire.

Dans son sommeil Adam poussa un petit gémissement, me tirant de mes pensées. Je décidai d'appeler Ollie, histoire de prendre des nouvelles.



La suite ? On clic ici !

mardi 15 avril 2014

Nur Götter dürfen uns berühren - 2

La première partie se trouve ici.


Je pris une profonde inspiration et commençai à lire.

Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais je ressens le besoin d'écrire cette histoire. Elle me semble importante, j'ai le sentiments que quelque chose se joue. Au delà de ça, j'ai besoin dans de réfléchir, de prendre une décision.

Devant cette femme, à bientôt cinquante ans, je découvrais une partie de moi-même, et des choses auxquelles je n'avais jamais cru. Elle est apparu dans une petite robe noire légère qui laissait apparaître ses genoux et ses épaules bien dessinées. Sa peau claire était parsemée de grains de beauté, d'ailleurs ces dernier formaient une ligne dans son dos qui partait d'une épaule vers l'autre. Elle n'était pas très grande. Ses yeux gris en amande éclairaient son visage aux pommettes hautes. Ils étaient emprunts d'une certaine mélancolie qui m'interpela immédiatement. Ses lèvres étaient fines et bien dessinées, et son nez avait un petit défaut à sa base, il avait sans doute été cassé. Ses cheveux blonds avaient des reflets roux qui se révélaient selon la lumière. Ils étaient retenus en un chignons ébouriffés qui laissait des mèches retomber sur sa nuque et autour de son visage. J'étais sous le charme, presque intimidé.
J'ai toute ma vie consommé les femmes, je n'ai jamais été fidèle, je croyais qu'il valait mieux ne pas perdre une occasion et tirer un coup d'avance, en prévision de jours difficiles. C'était tellement facile dans notre métier : les groupies sont une réalité. Je trouvais ce mode de fonctionnement normal : nous voulions baiser, elles voulaient coucher avec leur idole, tout le monde était gagnant. J'avais été marié, plusieurs fois, j'avais des enfants aussi, quatre, avec trois femmes différentes. Les mères de mes enfants je les ai toutes aimé sincèrement, mais il avait toujours manqué quelque chose, la magie, la passion qui est décrite dans les livres. Si bien que je m'étais fait à l'idée que cet amour la n'existait pas. J'étais bien avec une femme, on partageait ce qu'il y avait à partager, jusqu'à ce que cela ne marche plus et que l'on passe à la suite.
Mais quand j'ai rencontré Lou pour la première fois, j'ai deviné que mes convictions sur l'amour et sur moi-même allaient changer.

En réalité je la connaissais déjà, de manière indirecte. Richard m'a souvent parlé d'elle, sa confidente, son amie, sa sœur, comme il disait.
- Pourquoi est-ce que tu ne nous l'a présente pas ? Lui avais-je demander.
- Parce qu'elle habite en France et que l'occasion ne s'est jamais présentée.
- Tu couche avec elle ?
- On a couché ensemble, lorsqu'on s'est rencontré, et cela n'a pas marché comme je l'aurait souhaité. Il n'y a pas eu d'étincelle... »
Cet aveu qu'il avait couché avec elle me rassurait sur mon ami. Franchement, l'amitié homme-femme je n'y croyait que moyennement, d'autant plus de la part de Richard. Leur incompatibilité sexuelle ayant été réellement testée, cette amitié fraternelle entre eux deux me paraissait moins incroyable.
Je l'avais également découverte à travers son travail artistique. Elle écrivait des romans, Richard m'avait offert un exemplaire qui avait été publié en France, j'avais apprécié le peu que j'avais comprit, mon niveau de français étant trop bas pour comprendre la totalité et la subtilité de ses textes. Lou Bouvier-Muller était plus particulièrement connue en tant que photographe et réalisatrice de clips vidéos. Elle avait travaillé pour de nombreuses stars de la musique, notamment Lady Gaga, Marilyn Manson ou encore les Rolling Stones et j'en passe. De manière générale, elle réalisait ses clips comme de véritables courts métrages, le résultat étant toujours un peu dérangeant et sujet à controverse. Lorsque je regardais ses films, je trouvais souvent surprenant que ce soient des productions féminines. Il y avait un je ne sais quoi de brutal qui laissait penser à un travail masculin. Son travail photographique portait cette emprunte mais semblait moins brut, les clichés que j'avais pu admirer dans l'appartement de Richard mélangeaient à la fois réalité froide et sentiments.
- Pourquoi ne pas travailler avec elle ? avait, un jour, demandé Flake alors que Richard nous parlait du travail de son amie.
- Avant de vouloir travailler avec elle, il faudrait déjà qu'on pense à faire un nouvel album, avait souligné Doom avec un ton sarcastique.
- Justement, elle m'a parlé d'un projet qu'elle souhaite mettre en place avec un groupe, avait répondu Richard. Elle souhaiterai nous suivre pendant tout le processus de création d'un album, depuis sa composition jusqu'aux concerts.
- Comment cela « nous suivre » ? avait demandé Ollie.
- Un reportage photos en quelques sorte, expliqua Richard 
À cette première évocation du projet, tout le monde avait été enthousiaste, mais nous n'étions pas encore prêts pour nous mettre à travailler sur un nouvel album.

Quelques mois plus tard, lors d'un week-end que nous avions organisés avec nos famille dans l'immense maison de Richard au bord de la mer, ce dernier nous annonçait avec joie que Lou venait s'installer à Berlin pour y vivre. De notre côté, depuis quelques semaines, nous commencions à parler d'un projet musical. La collaboration avec Lou Bouvier-Muller était de nouveau revenu dans la conversation. Quelques temps plus tard, Richard nous la présenta enfin, et c'est là, dans notre studio que je suis tombé sous le charme de cette jeune femme, plus jeune que ma fille ainée, soit dit en passant.
Elle plue tout de suite, à tout le monde. Elle avait un très grand sens de l'humour. Et son petit accent et les quelques fautes d'allemand qu'elle commettait lui donnait un petit quelque chose. Elle voyait cette future collaboration artistique comme un échange.
- Je suppose que vous avez beaucoup de choses à m'apporter, avait-elle dit en nous présentant son projet.

 Elle allait nous suivre pour faire une sorte de reportage photos et vidéo pendant que nous allions composer et enregistrer notre album. Elle ferait de même plus tard pour la préparation de la tournée et les concerts. Notre manager ne voulait pas que la collaboration s'arrête à ce projet photographique, il souhaitait que Lou réalise les futurs clips. Elle accepta.




La suite ? C'est par .

Nur Götter dürfen uns berühren - 1

Voici la première partie d'une fiction sur laquelle je travaille depuis pas mal de temps, un an je crois. Elle est relativement longue, je vais donc essayer de poster un chapitre par semaine. 
Dans cette première partie on retrouve Richard prenant soins d'une jeune mère dont il est très proche. Par amour pour cette jeune femme il va se replonger dans un passé perdu, révolu.



2018

- Lou, j'aimerais porter Adam si cela ne te dérange pas.
- Bien sûr, répondit-elle.
Elle tenait le petit être contre sa poitrine. Je disposai le porte bébé sur mes épaules et contre mon torse et y installai Adam. Ses yeux gris étaient grands ouverts. Il poussa un petit cris et s'agita un peu. Je déposai un baiser sur le tout petit crâne, fragile. Lou caressa la main de son fils et me sourit. Elle n'avait pas sourit depuis des semaines. Je crois que le printemps, la nature renaissant à la vie allégeait un peu sa peine.
Nous avancions lentement dans les allées du jardin du Luxembourg. Adam s'était endormi contre moi, bercé par mes pas. Lou avait son appareil photo en mains et capturait les éléments autour de nous. J'avais plaisir à la voir travailler, et en même temps cela ne cessait de me rappeler le passé, de me rappeler que Rammstein n'était plus... Tout comme elle j'avais tout perdu et l'avenir me semblait vide.

Le soir, dans la chambre d'hôtel, Lou coucha Adam dans son berceau pendant que je passais commande de notre diner. Alors que je raccrochai le téléphone elle chantait tout doucement « Ein Lied » au dessus du berceau pour endormir son bébé. Je ne sais pas ce qui me prit mais les larmes montèrent à mes yeux. Je n'était plus capable de maitriser mes émotions. J'étais sur le déclin, j'étais un vieillard. Alors que Lou entonnait une dernière fois le refrain, Adam se laissa emporter par le sommeil. Elle vient s'assoir à côté de moi. J'avais essuyé du mieux possible mon visage. Elle posa sa tête sur mon épaule et dit :
- Merci d'être là Richard.
- Ne me remercie pas, je t'en prie. J'ai autant besoin de toi que tu as besoin de moi.
Je serrai fort sa main dans la mienne. Nous restions ainsi quelques instants.
- Je vais aller prendre une douche, dit-elle.
Elle se leva et allât dans la salle de bain. Je m'approchai du berceau. Adam était le portrait craché de son père. Il n'y avait que ses yeux, les mêmes que ceux de Lou. C'était un bébé si clame, il ne pleurait presque jamais. Pendant les premiers mois dans le ventre de sa mère il avait fait comme s'il n'existait pas. Depuis qu'il était né, il avait gardé cette sorte de discrétion, comme s'il voulait prendre le moins de place possible. Avait-il ressentit toute la peine de Lou ? Il semblait que oui, et qu'il ne voulait pas en rajouter, qu'il s'effaçait. C'en était presque effrayant. Quand je repensais à Khira-Li ou Merlin, les petits ne s'endormaient jamais seuls, ne supportaient pas de ne pas être pris dans les bras, criaient de toutes leurs forces lorsqu'ils avaient faim. Ils avaient été des bébés normaux, si je puis dire. Adam était né dans la peine et le deuil.
On apporta notre repas et Lou sortit de la salle de bain. Nous mangeâmes en discutant de rien, de livres qu'elle avait lu, de film que nous avions lu. Puis Lou changea de ton, elle avait quelque chose d'important à dire.
- Richard, j'ai quelque chose à te demander. Tu sais que Till m'a transmit un cahier avant de partir ?
- Oui, je sais.
- Je n'ai pas encore eu le courage de le lire, je ne suis pas sûre d'en avoir la force. Mais j'aimerais que tu toi tu le lises.
- Oh, vraiment ?
- Oui, j'ai besoin de savoir quand je serai prête. Je suis désolée de te demander de l'aide une fois de plus, mais, je n'ai que toi...
Ses yeux s'embuèrent de larmes. Je me levais pour la consoler.
- Ne t'inquiète pas. Je vais le faire, pour toi. Tu n'es pas seule et je ne te laisserai pas. Je tiens trop à toi, tu le sais.
Je la serrai fort contre moi. Elle se calma tout doucement.
Adam s'agita dans son berceau, puis se mit à pleurer. Lou le prit dans ses bras.
- Voici un petit monsieur qui a faim, dit-elle en lui caressant le dos.
- Je vais préparer son biberon.
- Merci.


 La raison de notre venue à Paris était le travail. Lou avait deux contrats, un pour une séance photo, l'autre pour le tournage d'un clip vidéo. Elle avait commencer à travailler sur ces projets alors qu'elle était enceinte, après le départ de Till. Elle m'avait demander de l'accompagner à Paris. J'étais là pour la soutenir, psychologiquement elle était encore si fragile, puis pour m'occuper d'Adam. Je me retrouvai donc avec le bébé, à préparer des biberons, changer des couches, chanter des berceuses. Il s'avère que c'était apaisant. J'avais l'impression d'être utile et la présence de ce petit être m'apaisait. Alors que je venais de coucher Adam et que le soleil de la matinée envahissait la chambre d'hôtel, je pris le cahier que Lou m'avait confié. Je l'ouvris et reconnu l'écriture si familière. Je m'apprêter à plonger dans le passé, un passé qui n'était pas si loin dans le temps, mais définitivement perdu.


Envie de lire la suite ? C'est par ici.

jeudi 3 avril 2014

Un jour de printemps à Berlin

Voici une nouvelle dans laquelle Schneider est le narrateur. 


L'organisation du mariage me dépassait complètement. Au delà de ça : ça me mettait sur les nerfs ! Carroll me prenait carrément la tête, je ne m'investissais pas assez apparemment. Mais lorsque je donnais mon avis, l'idée était systématiquement rejetée, j'avais mauvais goût, soit disant... Très franchement j'en avais rien à foutre des fleurs, de la couleur des serviette ou des du nombre d'invités par table. Mais il m'était impossible de lui faire comprendre que je ne voulais qu'elle, dans une petite mairie d'arrondissement, sans réception, sans personne, seulement nous deux. La seule chose qui comptait était notre amour l'un pour l'autre.
La veille au soir nous nous étions une énième fois engueulés concernant je ne sait quoi pour la réception, avant de nous réconcilier sur l'oreiller. Comme toujours. Je venais de quitter l'appartement pour me rendre au studio, à pied. Il me fallait une heure pour parcourir cette distance, mais j'avais besoin de me vider l'esprit, de m'enivrer des bruit de Berlin, de l'odeur des jonquilles qui ensoleillaient les parcs, de sentir la chaleur printanière du soleil sur mon visage.
Je marchais depuis vingt minutes peut-être, j'étais dans Museumsinsel quand c'est arrivé. Au détour d'une rue quelqu'un me percuta alors qu'il était en pleine course. Le choc fut assez violent et fit voler tout autour de nous des documents que la jeune femme tenait dans les bras.
- Je suis vraiment désolée, dit-elle déjà agenouillée pour ramasser les papiers éparpillés sur le sol.
Elle avait un accent très reconnaissable : elle était française. Elle avait les cheveux longs et auburn, légèrement ondulés sur les pointes. Elle portait un pantalon et une veste noirs ainsi que de jolis escarpins beiges. Je me baissai pour l'aider à ramasser ses documents. Elle avait la tête baissée, je ne pouvais pas distinguer son visage.
- Je vous prie de m'excuser, je suis maladroite...
- Ce n'est rien, répondis-je.
En plus de son accent, elle avait des trémolos dans la voix. Elle pleurait.
- Ne vous inquiétez pas, dis-je alors que nous ramassions les dernières feuilles à nos pieds, il n'y a pas de mal.
Elle releva le visage en ma direction. Elle avait de magnifiques yeux bleus gris, embués de larmes. Son maquillage avait légèrement coulé. Elle avait une bouche fine et bien dessinée, un nez délicat et les pommettes hautes. Son regard ne croisa pas le mien immédiatement. Nous nous relevâmes.
- Merci pour votre aide, dit-elle en prenant les documents que je lui tendais, et pardonnez-moi.
- Ce n'est rien. J'espère que vous ne pleurez pas à cause de cette malheureuse petite collision.
- Non... dit-elle le visage toujours baissé, c'est une stupide peine de cœur qui me met dans cet état.
- C'est moi qui suis désolé.
Elle releva la tête pour la première fois et croisa mon regard. Elle fit un petit sourire triste et dit :
- C'est gentil...
Elle s'interrompit, surprise, puis reprit la parole :
- Nous nous connaissons !
Je ne la connaissait pas, non, mais elle m'avait reconnu. Je souris.
- Vous ne me connaissez pas, mais moi je vous connais ! Vous êtes le batteur de Rammstein.
- C'est bien ça, répondis-je sans trop savoir qu'ajouter.
Elle était très surprise et ne savait que dire elle non plus. Je la regardais avec attention et sa sensualité me percuta en plein cœur. Son air gêné ajoutait un petit quelque chose à sa beauté. Gêné par cette situation et son aura. Le mécanisme habituel de défense face à la gène se mit en œuvre, je ris. Elle aussi.
- Ne vous inquiétez pas, dit-elle, je ne vais pas vous embêter plus longtemps. Je suis en retard. Je suis ravie de vous avoir croisé...
Pour toute réponse je ne pu que sourire, j'étais tellement troublé.
- Je suis une auditrice assidue de votre groupe, je dois bien l'avouer. J'aurais aimé vous rencontrer dans un autre état d'esprit...
- Je...
Quel idiot ! Aucun mot ne sortait de ma bouche. J'aurais aimé lui dire que moi aussi j'étais ravie et que je ne voulais pas la laisser partir. Mais rien. J'étais incapable d'articuler quoi que ce soit.
- Au revoir, dit-elle.
Elle reprit sa course, ma laissant là, paralysé, le cœur battant et une érection pas possible dans mon jean. Le temps que je reprenne mes esprits elle avait disparu. J'étais triste, et en colère. Mais bordel, pourquoi l'avais-je laisser filer ! Résigné, j'allais reprendre ma route, quand j'aperçu une feuille sur le trottoir. Nous avions du oublié de la ramasser. Je le récupérai : c'était un papier à en-tête indiquant le Pergamon Museum et en dessous un nom : Louisa Grémillon. Un nom français. Ça ne pouvait être qu'elle ! La lettre, rédigée en anglais, était adressée à un musée de Los Angeles concernant le prêt d'une œuvre pour une exposition temporaire.
J'avais un moyen de la retrouver ! La tristesse de l'avoir laissé partir fit place à l'excitation. Je pliai la feuille en quatre et la glissai dans la poche intérieur de ma veste en cuir. Je repris mon chemin. Une demi-heure plus tard j'arrivais au studio.

15h30. Je traversais la cours du Pergamonmuseum jusqu'à l'immense hall d'entrée. J'avais des palpitations, j'étais excité. Je n'avais pas réfléchi à quoi que ce soit. La seule chose que j'avais à l'esprit : l'envie de la revoir. Son chagrin m'avait touché, sa sensualité m'avait carrément assommé.
La vérité c'est que je n'étais pas vraiment moi même, loin de mes principes, j'écoutais mon instinct, pour la première fois de ma vie je crois. Pourquoi ? J'en sais trop rien, mais cette jeune femme avait eu un effet absolument hypnotique. Les occasion de s'envoyer en l'air avec des fans c'est pas ce qui avait manqué ces deux dernière décennies, mais j'avais toujours été fidèle à celle que j'aimais. Sarah, pendant plus de dix ans, puis Carroll depuis quelques années. Je pouvais trouver une femme belle et désirable mais ça en restait à ce simple constat. J'avais des principes. La fidélité constitué le principe numéro un. Mais voilà que cette rencontre bouleversait mon existence.
Je passai la porte d'entrée et me dirigeai au bureau d'accueil du musée.
- Bonjour, j'aimerais voir Louisa Grémillon.
Mon accent français était au delà du pitoyable, j'avais carrément écorché son nom. La dame de l'accueil, la cinquantaine passée, décrocha le téléphone qui se trouvait sur son bureau. En tapant sur le chiffres de l'appareil elle me demanda :
- C'est de la part de qui, s'il vous plait ?
- Christoph Schneider.
Je souris en imaginant son visage à l'annonce de mon nom.
- Louisa va débuter une visité guidée dans cinq minutes. Soit vous l'attendez pendant une heure, soit vous prenez un ticket et vous suivez la visite.
- C'est elle que vous avez eu au téléphone ?
- Non, j'ai eu un de ces collègues.
- Je vais prendre un ticket.
- Rejoigniez le groupe là-bas, Louisa va arriver dans quelques minutes.
Je tendis le billet et pris le ticket.
- Merci.
Je me dirigeais vers les quelques personnes qui attendais à l'endroit indiqué. J'étais d'autant plus excité que j'allais lui faire une surprise. J'avais hâte de voir sa réaction.
Elle arriva au bout de quelques minutes d'attente. Elle avait arrangé son maquillage et ne semblait plus du tout bouleversée. Malgré son sourire, une lueur mélancolique hantait son regard. Elle dit bonjour à tout le groupe et ne me vie qu'après quelques seconde. Elle s'interrompit un instant, elle était très surprise. Je lui souris, elle me rendit un petit rire à la fois heureux et gêné puis baissa la tête. Elle se concentra à nouveau et commença la visite.
Pendant l'heure qui suivit je m'intéressais moyennement aux antiquités du musée, mais la créature qui nous les présentait était absolument captivante. Je ne m'en rendis pas compte immédiatement mais j'avais mis en marche mon numéro de charme. Tout en discrétion, tout dans le regard et le sourire. Je n'avais jamais été très sur de moi, mais avec l'âge, vous savez, on prend confiance, on sait ce qu'on vaut. Et la vérité c'est que j'avais du succès. Je ne parle pas des groupies, ça, ça ne compte pas. Je parle des femmes que je croisais et côtoyais en dehors de ce statut d'idole. Idole. C'était franchement ridicule !
Bref, cet après-midi là, dans le Pergamonmuseum, j'étais en chasse. Mais pas que. Il y avait une attirance sexuelle, c'était indéniable, mais un petit truc pinçait mon cœur, là, dans ma poitrine. C'est ce pincement qui me gênait, parce que face à cette Louisa mon cerveau rendait les armes : exit Carroll, exit le mariage.

Une heure de visite, une heure pendant laquelle je me laissais envahir par des sensations délicieuses, de fantasmes : ses traits, ses courbes, ses gestes, son odeur, son accent. Mon corps entier était entièrement tendu vers elle. Je ne réfléchissais pas, je me laissais guider. Par mon instinct.
Elle remercia le groupe et dit au revoir, puis se tourna vers moi. Je souris, je voulais la laisser parler en premier.
- Comment m'avez-vous retrouvé ? Demanda-t-elle.
- Vous avez oubliez ça ce matin, dis-je en lui tendant le document que j'avais gardé dans la poche de mon blouson.
- Oh ! S'exclama-t-elle, visiblement surprise. Il ne fallait pas vous donner cette peine...
- Je ne suis pas seulement venu pour vous rendre le document...
Elle resta une seconde interdite, puis elle rit.
- Comment étiez-vous sûr que ce document m'appartient ?
- C'est à dire que vous m'en avez fait ramasser une quantité ce matin dans la rue ! Si j'avais des doutes il y avait un nom français, ça ne pouvait être que vous.
- Mon accent est si flagrant ?!
Je ris.
- Vous parlez très bien allemand, l'accent vous donne un certain charme.
Elle baissa la tête et sourit. Je sentais qu'elle était un peu gênée, et flattée également.
- Ça vous dit d'aller boire un verre après le travail ?
- Comment pourrais-je refuser ! S'exclama-t-elle. Vous avez prit la peine de me ramener ce pauvre papier, c'est la moindre des choses. Et je m'en voudrai toute ma vie si je refusais : le batteur de Rammstein !
J'explosai de rire. Elle aussi.
- Puis j'ai vraiment besoin de me changer les idées... Si vous voulez bien m'attendre quelques minutes, je vais aller chercher mes affaires.

Une quart d'heure plus tard nous nous retrouvions dans le métro, direction le quartier du Mitte. J'aimais beaucoup cet endroit, cela me rappelait ma jeunesse, à l'époque où le Mur coupé la ville en deux. Là-bas, je choisi un petit café discret, histoire de ne pas me faire abordé par des fans, ce qui était absolument insupportable. Elle prit un thé, moi un café. Nous discutions. J'appréciais le fait qu'elle ne cherche rien à savoir sur les projets du groupe. Elle me demandait comment était Berlin, avant, ce que j'aimais dans cette ville... Bref, les minutes puis les heures passaient. Je me sentais bien, elle aussi, je crois.
J'en était à ma deuxième bière, elle sirotait un verre de vin rouge. L'alcool me donna du courage : je posais ma main sur la table près de la sienne et la caressait du bout de l'index. Elle ne s'interrompit pas mais je vis la surprise dans ces yeux. Elle ne retira pas sa main.
- Je suis désolée que vous m'ayez vu dans cet état ce matin...
- Ce n'est rien, je comprendre.
- C'était stupide de pleurer.
- Vous voulez me parler de cette « stupide peine de coeur » ? demandais-je.
Elle sourit.
- Non, je ne veux pas gâcher cette soirée. Autant oublier et se tourner vers les choses à venir.
Les choses à venir. Il me semblai qu'elle m'avait regardé plus intensément en disant ces mots. Je ne répondis rien, me contenant de la regarder dans les yeux. Silence. Je posai carrément ma main sur la sienne. Elle baissa les yeux et serra ma doigts. Je me jetai dans le vide, me penchant sur la petite tableau qui nous séparait. Elle releva son visage vers le mien et nos lèvres se rencontrèrent. Sa langue caressa doucement mes lèvres. Ce fut le baiser le plus intense de mon existence. Sa langue contre la mienne, son souffle, son odeur mirent tout me corps en émoi. Le frisson parcouru mon dos, mes membres et vint se loger au bas de mon ventre en un désir d'une intensité sans nom. Je ne voulais qu'elle, rien d'autre n'existait autour de nous, ni espace, ni temps, j'avais l'impression de naître au monde des sens.
Je payai le serveur et nous nous retrouvions dans la rue. Il faisait nuit. Elle prit ma main dans la sienne et m'entraina jusqu'à son appartement. Je ne savais plus où je me trouvais, je ne voyais qu'elle. Elle referma la porte derrière nous. Je plaquai mon corps tendu de désir contre le sien. Nos vêtements furent abandonnés sur le sol. Désir et plaisir guidèrent nos gestes tout au long de la nuit.

Je fus réveiller par le jour qui transperçait les rideaux clairs de la chambre. J'avais le dos tiède de Louisa contre mon torse. Elle dormait encore. Je pris une grande inspiration dans ses cheveux pour m'enivrer d'elle. J'aurais du me lever discrètement sans la réveiller, enfiler mes vêtements et fermer discrètement la porte de l'appartement derrière moi. C'était l'unique chose à faire. Je n'en avais pas envie.