jeudi 3 juillet 2014

Nur Götter dürfen uns berühren - 17

Après une petite pause dans le déroulement de Nur Götter dürfen uns berühren, voici le dix-septième chapitre de cette fiction. Pour la lire dès le début, on se retrouve ici. En espérant que la nouvelle Ohne Bedauern vous a plu et que vous êtes contents de retrouver la suite de NGDUB...


L'été 2018 passa en un éclair. Cinq jours par semaines nous nous retrouvions chez Paul pour composer de nouvelles chansons. De son côté Lou enchainait différents contrats avec des magazines et des groupes pour des clips. Elle était, elle aussi, très occupée. Je gardais Adam et l'amenait chez Paul ou chacun d'entre nous s'occupait bien de lui. Je crois que le fils de Till était devenu une sorte de talisman : il était un peu avec nous, à travers Adam.
Un après-midi d'août, alors que nous faisions une pause dans notre travail, je ressentis le besoin de me confier. Je leurs racontais tout : mes problèmes d'impuissance, cette nuit où le matériel avait repris du service, mes sentiments nouveaux pour Lou. Ma culpabilité aussi. Avais-je vraiment le droit de poser ce regard sur elle et de la convoiter ? Après tout, Till était mon meilleurs ami, n'était-ce pas le trahir d'avoir envie de Lou comme cela ? C'était la trahir elle aussi, elle que j'avais pendant des années considéré comme une sœur...
Une fois que j'eus terminer de tout déballer, les quatre autres se regardèrent. Je compris qu'ils avaient déjà bordé le sujet de ma relation avec Lou entre eux. C'est Paul qui parla le premier :
- Richard, on n'est certainement pas là pour te juger ou te dire quoi faire. Mais ça fait des mois qu'on sent venir les choses. Vous habitez ensemble, vous dormez ensemble, tu t'occupes d'Adam comme de ton propre fils... Bref, ça saute aux yeux que votre relation a changé.
- On se demandait simplement quand est-ce que vous alliez en prendre conscience Lou et toi, ajouta Schneider.
- La situation est extrêmement déstabilisante, dit Flake, ça nous pouvons très bien le comprendre. Mais les choses se font naturellement je crois. Est-ce une trahison ? Je ne pense pas. Till ne t'as jamais fait jurer de ne pas convoiter Lou que je sache !
Je fis non de la tête et dis :
- De toute manière Lou est bien loin de se douter et de se rendre compte que les choses changent en moi.
- C'est parce qu'elle n'a pas encore fait son deuil, répondit Paul. Pour le moment elle est trop aveuglée par son chagrin, mais, crois moi, son attitude envers toi change aussi. Elle finira par s'en rendre compte, avec le temps.
- Il faut voir la manière dont elle te prend dans ses bras ou tous les gestes tendres qu'elle a à ton attention. Pour quelqu'un qui ne vous connait pas, il n'y a aucun doute que vous formez un couple, dit Ollie qui s'était tut jusqu'à présent.
Je baissai la tête. Nous restions silencieux pendant un moment puis Schneider dit :
- Richard, je ne sais pas si en nous parlant de ça tu cherches à avoir notre avis ou notre bénédiction, mais voilà ce que je réponds : nous n'avons aucun jugement à porter sur votre histoire. Nous ne sommes en aucun cas légitimes à donner ou non notre bénédiction. Mon avis, si tu souhaites l'entendre, c'est que vous n'avais le droit d'être heureux tous les deux. Si votre bonheur passe par une relation amoureuse, cela me va et je ne peux que vous souhaiter que cela fonctionne pour le mieux. On est tous dans une période plus que difficile. La seule chose à faire est de se serrer les coudes et de se soutenir.
- Schneider a raison, dit Paul. La seule chose que je veux ajouter c'est qu'il faut que tu laisses le temps à Lou. Il ne faut surtout pas la brusquer. Donne lui le temps de tourner la page.
Une larme glissa le long de ma joue jusque dans mon cou. Ollie posa une main sur mon épaule, puis Schneider me tendit ma guitare en disant :
- Allez, au travail ! Elles ne vous pas se composer toutes seules ces chansons.
Nous nous remirent au travail, comme si de rien n'était. Si ce n'est que je me sentais un peu plus léger après m'être confié. Ce qu'ils m'avaient dit m'aidait à me sentir moins coupable et j'avais désormais cette agréable sensation d'être entouré et soutenu.

L'été se déroula donc aux rythme de nos compostions. Finalement c'est Flake et Ollie qui s'occupaient des textes, se sentant plus à l'aise avec les mots. Parfois Schneider, Paul et moi donnions notre avis sur une tournure de phrase ou le choix d'un adjectif. Pour la voix, le choses se firent assez naturellement : Paul et moi endossions le rôle.
On avait aussi demandé à Lou de participer au projet en regardant les textes. Elle avait refusé, c'était trop difficile pour elle. Toutefois elle avait écrit entièrement un texte intitulé « Nur Götter dürfen uns berühren ».
- C'est ma contribution à cet album, si vous l'acceptez, avait-elle dit. Bien sûr si par le suite vous souhaitez des photos, des clips, je serai là. Mais pour l'instant je ne me sens pas le courage de faire plus.
Dans le salon, chez Paul, Flake avait lu le texte à voix haute :

Je suis dans tes bras
Et je sais que nous sommes immortels
Rien ne nous touche
Rien ne nous arrête

Je plonge dans tes yeux
Et je comprends le sens de l'existence
Rien ne peut nous blesser
Rien ne peut nous arriver

Seuls les dieux ont le droit de nous toucher
Mais je sais qu'ils n'oserons pas
Nos cœurs brulent trop fort
Les dieux sont jaloux et ont peur

Nous ne sommes plus qu'un
Et je sais que nous sommes immortels
Rien ne peut nous faire mal
Rien ne peut arriver

Seuls les dieux ont le droit de nous toucher
Mais je sais qu'ils n'oserons pas
Nos cœurs brulent trop fort
Les dieux sont jaloux et ont peur

Pourtant, en tes entrailles
Un serpent s'est logé
Il a grandit et désormais
Il peut te blesser

Envoyé des dieux
Il vient nous rappeler
Que nous ne sommes que poussière
Et il t'a enlevé

Je sais
Les dieux peuvent nous punir
Je sais
Le mal qu'ils peuvent nous faire
Je sais
Les dieux peuvent nous toucher 

Il me sembla que le temps resta suspendu un instant. Lou avait raconté son histoire, en quelques lignes elle avait dit sa peine. Mais ce texte prenait aussi un sens plus universel : qui ne s'est jamais senti immortel ? Qui n'a jamais souffert après la chute ? Ces mots faisaient écho en nous cinq, parce qu'il n'y avait pas si longtemps, nous pensions que Rammstein serait éternel, que nous six étions éternels. Oui, seuls les dieux avaient le droit de nous toucher, et ils ne se sont pas privés de nous rappeler l'ordre des choses.

Paul prit sa guitare. Il joua quelques notes. Je pris mon instrument à mon tour et en moins de cinq minutes nous avions une mélodie. Flake y ajouta le clavier et Ollie une ligne de basse. Derrière sa batterie Schneider n'eut aucun mal à produire un rythme. En quelques minutes l'air était né. En fin d'après-midi nous avions la chanson.
C'est ainsi que fin août nous avions composé une trentaines de chansons, plus ou moins abouties, qui ne restait plus qu'à enregistrer. Il nous restait donc un mois de vacances avant de nous retrouver au studio.



Ces derniers mois avaient été si remplis que je n'avais pas pris le temps de me replonger dans le manuscrit de Till. Cette pause dans la lecture et l'avancement de notre projet me fit le plus grand bien. Mais j'avais promis à Lou. Alors je décidais de profiter de ces quelques semaine pour reprendre le manuscrit. Le soleil filtrait entre les volet clos qui nous protégeait de la chaleur, donnant au salon une atmosphère particulière. Adam dormait paisiblement dans son couffin, sa respiration lente emplissant la pièce. Je m'approchai de la bibliothèque et caressai du bout des doigt la couverture du cahier. Je tournais les pages et repris ma lecture là où je l'avais laissé.