Après une petite pause dans le déroulement de Nur Götter dürfen uns berühren, voici le dix-septième chapitre de cette fiction. Pour la lire dès le début, on se retrouve ici. En espérant que la nouvelle Ohne Bedauern vous a plu et que vous êtes contents de retrouver la suite de NGDUB...
L'été 2018 passa en un éclair. Cinq
jours par semaines nous nous retrouvions chez Paul pour composer de
nouvelles chansons. De son côté Lou enchainait différents contrats
avec des magazines et des groupes pour des clips. Elle était, elle
aussi, très occupée. Je gardais Adam et l'amenait chez Paul ou
chacun d'entre nous s'occupait bien de lui. Je crois que le fils de
Till était devenu une sorte de talisman : il était un peu avec
nous, à travers Adam.
Un après-midi d'août, alors que nous
faisions une pause dans notre travail, je ressentis le besoin de me
confier. Je leurs racontais tout : mes problèmes d'impuissance,
cette nuit où le matériel avait repris du service, mes sentiments
nouveaux pour Lou. Ma culpabilité aussi. Avais-je vraiment le droit
de poser ce regard sur elle et de la convoiter ? Après tout,
Till était mon meilleurs ami, n'était-ce pas le trahir d'avoir
envie de Lou comme cela ? C'était la trahir elle aussi, elle
que j'avais pendant des années considéré comme une sœur...
Une fois que j'eus terminer de tout
déballer, les quatre autres se regardèrent. Je compris qu'ils
avaient déjà bordé le sujet de ma relation avec Lou entre eux.
C'est Paul qui parla le premier :
- Richard, on n'est certainement pas
là pour te juger ou te dire quoi faire. Mais ça fait des mois qu'on
sent venir les choses. Vous habitez ensemble, vous dormez ensemble,
tu t'occupes d'Adam comme de ton propre fils... Bref, ça saute aux
yeux que votre relation a changé.
- On se demandait simplement quand
est-ce que vous alliez en prendre conscience Lou et toi, ajouta
Schneider.
- La situation est extrêmement
déstabilisante, dit Flake, ça nous pouvons très bien le
comprendre. Mais les choses se font naturellement je crois. Est-ce
une trahison ? Je ne pense pas. Till ne t'as jamais fait jurer
de ne pas convoiter Lou que je sache !
Je fis non de la tête et dis :
- De toute manière Lou est bien loin
de se douter et de se rendre compte que les choses changent en moi.
- C'est parce qu'elle n'a pas encore
fait son deuil, répondit Paul. Pour le moment elle est trop aveuglée
par son chagrin, mais, crois moi, son attitude envers toi change
aussi. Elle finira par s'en rendre compte, avec le temps.
- Il faut voir la manière dont elle
te prend dans ses bras ou tous les gestes tendres qu'elle a à ton
attention. Pour quelqu'un qui ne vous connait pas, il n'y a aucun
doute que vous formez un couple, dit Ollie qui s'était tut jusqu'à
présent.
Je baissai la tête. Nous restions
silencieux pendant un moment puis Schneider dit :
- Richard, je ne sais pas si en nous
parlant de ça tu cherches à avoir notre avis ou notre bénédiction,
mais voilà ce que je réponds : nous n'avons aucun jugement à
porter sur votre histoire. Nous ne sommes en aucun cas légitimes à
donner ou non notre bénédiction. Mon avis, si tu souhaites
l'entendre, c'est que vous n'avais le droit d'être heureux tous les
deux. Si votre bonheur passe par une relation amoureuse, cela me va
et je ne peux que vous souhaiter que cela fonctionne pour le mieux.
On est tous dans une période plus que difficile. La seule chose à
faire est de se serrer les coudes et de se soutenir.
- Schneider a raison, dit Paul. La
seule chose que je veux ajouter c'est qu'il faut que tu laisses le
temps à Lou. Il ne faut surtout pas la brusquer. Donne lui le temps
de tourner la page.
Une larme glissa le long de ma joue
jusque dans mon cou. Ollie posa une main sur mon épaule, puis
Schneider me tendit ma guitare en disant :
- Allez, au travail ! Elles ne
vous pas se composer toutes seules ces chansons.
Nous nous remirent au travail, comme
si de rien n'était. Si ce n'est que je me sentais un peu plus léger
après m'être confié. Ce qu'ils m'avaient dit m'aidait à me sentir
moins coupable et j'avais désormais cette agréable sensation d'être
entouré et soutenu.
L'été se déroula donc aux rythme de
nos compostions. Finalement c'est Flake et Ollie qui s'occupaient des
textes, se sentant plus à l'aise avec les mots. Parfois Schneider,
Paul et moi donnions notre avis sur une tournure de phrase ou le
choix d'un adjectif. Pour la voix, le choses se firent assez
naturellement : Paul et moi endossions le rôle.
On avait aussi demandé à Lou de
participer au projet en regardant les textes. Elle avait refusé,
c'était trop difficile pour elle. Toutefois elle avait écrit
entièrement un texte intitulé « Nur Götter dürfen uns
berühren ».
- C'est ma contribution à cet album,
si vous l'acceptez, avait-elle dit. Bien sûr si par le suite vous
souhaitez des photos, des clips, je serai là. Mais pour l'instant je
ne me sens pas le courage de faire plus.
Dans le salon, chez Paul, Flake avait
lu le texte à voix haute :
Je suis dans tes bras
Et je sais que nous sommes immortels
Rien ne nous touche
Rien ne nous arrête
Je plonge dans tes yeux
Et je comprends le sens de l'existence
Rien ne peut nous blesser
Rien ne peut nous arriver
Seuls les dieux ont le droit de nous
toucher
Mais je sais qu'ils n'oserons pas
Nos cœurs brulent trop fort
Les dieux sont jaloux et ont peur
Nous ne sommes plus qu'un
Et je sais que nous sommes immortels
Rien ne peut nous faire mal
Rien ne peut arriver
Seuls les dieux ont le droit de nous
toucher
Mais je sais qu'ils n'oserons pas
Nos cœurs brulent trop fort
Les dieux sont jaloux et ont peur
Pourtant, en tes entrailles
Un serpent s'est logé
Il a grandit et désormais
Il peut te blesser
Envoyé des dieux
Il vient nous rappeler
Que nous ne sommes que poussière
Et il t'a enlevé
Je sais
Les dieux peuvent nous punir
Je sais
Le mal qu'ils peuvent nous faire
Je sais
Les dieux peuvent nous toucher
Il me sembla que le temps resta suspendu
un instant. Lou avait raconté son histoire, en quelques lignes elle avait dit sa peine. Mais ce texte prenait aussi un sens plus universel : qui ne s'est jamais senti immortel ? Qui n'a jamais souffert après la chute ? Ces mots faisaient écho en nous cinq, parce qu'il n'y avait pas si longtemps, nous pensions que Rammstein serait éternel, que nous six étions éternels. Oui, seuls les dieux avaient le droit de nous toucher, et ils ne se sont pas privés de nous rappeler l'ordre des choses.
Paul prit sa guitare. Il joua quelques notes. Je
pris mon instrument à mon tour et en moins de cinq minutes nous
avions une mélodie. Flake y ajouta le clavier et Ollie une ligne de
basse. Derrière sa batterie Schneider n'eut aucun mal à produire un
rythme. En quelques minutes l'air était né. En fin d'après-midi
nous avions la chanson.
C'est ainsi que fin août nous avions
composé une trentaines de chansons, plus ou moins abouties, qui ne
restait plus qu'à enregistrer. Il nous restait donc un mois de
vacances avant de nous retrouver au studio.
Ces derniers mois avaient été si
remplis que je n'avais pas pris le temps de me replonger dans le
manuscrit de Till. Cette pause dans la lecture et l'avancement de
notre projet me fit le plus grand bien. Mais j'avais promis à Lou.
Alors je décidais de profiter de ces quelques semaine pour reprendre
le manuscrit. Le soleil filtrait entre les volet clos qui nous
protégeait de la chaleur, donnant au salon une atmosphère
particulière. Adam dormait paisiblement dans son couffin, sa
respiration lente emplissant la pièce. Je m'approchai de la
bibliothèque et caressai du bout des doigt la couverture du cahier.
Je tournais les pages et repris ma lecture là où je l'avais
laissé.