J'avais eu Lou au téléphone ce jour
là, je n'eus pas besoin de demander quoi que ce soit, j'avais
compris. J'avais vu depuis des mois les regards qu'elle avait pour
Till, et les regards que lui posait sur elle aussi. Je me demandais
bien jusqu'à quand cela allait tenir. Ça avait tenu, beaucoup plus
longtemps que je n'aurais pu le penser. Alors quand Schneider m'avait
dit qu'en partant du vernissage il ne restait plus que Lou et Till à
la galerie... Puis le lendemain, au téléphone, le ton de son
« Hallo » était un véritable aveu. Les gens
pense toujours que je manque de perspicacité, que je suis un peu
lourd. Mais vraiment, je lisais en elle, parfaitement. Et elle aussi
lisait en moi.
- Tu as deviné, avait-elle simplement
affirmé après lui avoir dit bonjour.
- Oui.
Je l'entendis sourire à l'autre bout
du fil.
Je n'ajoutai rien de plus sur le sujet,
mais j'étais mort de trouille à l'idée que Till puisse la faire
souffrir. J'essayai de me raisonner, que ce n'était qu'une histoire
de sexe, pour le moment en tous cas. Alors oui, ce soir là, je
m'étais fait la promesse de ne rien dire à Till, mais les effets de
l'alcool me délièrent la langue.
« Ne lui fait pas de mal »
Je savais bien le mal qu'il se
feraient. Je les connaissais trop bien tous les deux. Je ne savais
pas encore comment cela allait arriver. Je ne du pas attendre très
longtemps. Quelques semaines après le vernissage me semble-t-il.
Leur relation était restée secrète,
enfin presque. Seuls Flake et moi étions au courant. Les autres
étaient loin de se douter. Rien n'avait changé dans leurs
comportement à tous les deux. Pourtant ces quelques semaines ils ne
s'étaient pas quittés, ou presque.
Lou bougeât brusquement dans son
sommeil. Elle passât une jambe par dessus la couette et prononça
quelque chose en français. Je souris. Depuis que je la connaissais
je l'avais toujours entendue parler dans son sommeil. Un fois même
elle avait fait une crise de somnambulisme. Quand elle cessât de
s'agiter je repris ma lecture.
- Till, je dois quitter l'Allemagne
pour quelques temps, m'annonça Lou. J'ai des tournages prévus en
Californie...
Je compris immédiatement que c'était
le moment où on été jeté du Paradis, où les problèmes allaient
commencer. Je connaissais mes points faibles. Lorsque Lou ne serait
plus là, ce serait la porte ouverte aux autres femmes. Bien sûr je
ne voulais pas la blesser, j'étais plein de bonne volonté, mais mes
démons me rattrapaient toujours et s'engouffraient dans la faille.
- Je serai de retour avant le début
des répétitions pour la tournée.
Elle avait déjà fait ses valises qui
étaient posées dans le salon. Elle vint s'assoir sur mes genoux,
passa ses bras autour de mes épaules et posa sa tête dans le creux
de mon cou. Pendant le demi heure qui suivi je l'aimai comme si elle
partait pour toujours, car je savais que plus rien se serait pareil à
son retour.
Cela faisait deux semaines que Lou
était partie, quant à moi j'avais rejoint ma maison à L., la ville
m'insupportait. Je n'avais plus rien à faire à Berlin, Lou n'y
était plus et les répétitions avec le groupe ne commenceraient que
dans un mois.
J'étais assis à mon bureau entrain
d'écrire quand j'entendis les pneus d'une voiture crisser sur les
graviers de la cours. Je regardais l'heure : dix-neuf heures
trente-deux. J'allais ouvrir en me demandant qui pouvait bien venir
me voir. Quelle ne fut pas ma surprise en voyant Petra sur le pas de
la porte.
J'avais eu une relation de plus de
presque cinq ans avec elle. J'avais même déclaré à la presse que
c'est avec elle que je voulais vieillir, qu'elle m'avait fait changé,
que j'étais devenu fidèle... Puis je suis partie en tournée avec
le groupe, et évidement je n'avais pas pu résister. Ça c'était
plutôt mal terminé : j'avais fini par la trouver insupportable
au quotidien, alors, un soir où elle me prenait la tête pour je ne
sais plus qu'elle stupidité je lui avait avoué mes infidélités.
Ce n'était pas une véritable révélation Petra le savait déjà,
mais comme personne en parlait c'est comme si ça n'existait pas.
Mais une fois les choses dites... Elle avait fait ses valises.
Aussi étonnant que cela puisse
paraître j'étais heureux de la voir ce soir là. Je n'aurais pas
supporté de passer une soirée seul, encore. Petra était grande et
pulpeuse, avait les cheveux blond platine, et les yeux noisette.
- Salut, me dit-elle.
- Comment sais-tu que je suis ici ?
- J'ai rencontré Schneider cette
semaine à Berlin, c'est lui qui me l'a dit.
Christoph ne le savait pas, mais il
m'avait tendu un piège qui se refermait déjà sur moi. Je savais
que je n'allais pas résister à Petra. J'étais sans nouvelles de
Lou depuis quelques jours, elle ne répondait pas à mes appels ni à
mes messages. La mélancolie qui me poursuivait toujours un peu
m'avait envahie à nouveau.
Petra et moi ne mirent pas longtemps à
nous retrouver à baiser dans ma chambre. Nous faisions l'amour non
comme des amants qui se retrouvent, mais comme un vieux couple qui se
connaissait par coeur, sans passion, mais plutôt dans une étreinte
rassurante.
Deux semaines encore et Petra était
là pratiquement tous les jours. Elle était en pause entre deux
tournage, ce qui lui laissait tout son temps libre. J'étais toujours
sans nouvelles de Lou, mais je trouvais que finalement cette
situation était plus simple. Je n'avais pas à gérer la nouveauté
des sentiment que j'avais pour elle. D'autant que rien n'avait été
clair dans notre relation. Il n'avait jamais été question de
sentiments, mais plutôt de sexe, du sexe comme je ne croyait pas
qu'on pouvait le découvrir à mon âge. Les sentiments je les avais
mais je faisais comme s'ils n'existaient pas, attendant, peut-être,
un signe de sa part sur ce terrain là.
Mon téléphone sonna, c'était
Richard :
- Till ? Ca va ?
- Oui, et toi ?
- J'ai des nouvelles de Lou, elle a eu
un petit accident de voiture aux États-Unis...
- Quoi ?
- Ne t'inquiète pas elle n'a rien de
grave, mais son téléphone a été cassé, elle n'a plus aucun
numéro. C'était simplement pour te tenir au courant.
Je savais que Lou était de retour à
Berlin. J'avais son nouveau numéro, mais j'étais trop lâche pour
l'appeler. Elle fut plus courageuse que moi :
- Allô Till ? C'est Lou.
- Bonjour.
- Je suis de retour...
Blanc. Je ne su que répondre. J'étais
gêné.
- Richard m'a dit m'a parlé de
Petra...
Richard m'avait été d'une grande
aide sans le savoir, je ne sais pas si j'aurais été capable de
parler de Petra à Lou.
- Oui. Elle s'est installée chez
moi...
- Je suis heureuse pour toi. J'espère
que les choses marcherons pour vous...
Elle avait dit cela avec une sincérité
déconcertante. Elle n'était pas en colère, ne semblait pas
blessée. J'avais vu juste, pour elle c'était juste une histoire de
cul. Dieu merci d'avoir eu la bonne idée de refouler mes sentiments
naissants. Au fond j'avais mal, mais comme d'habitude je me mentais à
moi-même...
- On se voit la semaine prochaine pour
le shooting, dit-elle.
- Oui. À bientôt.
Je raccrochais. Je crois que j'aurais
fracassé le mur en face de moi si je ne m'étais pas retenu.
Pourquoi ne s'était-elle pas mise en colère ou à pleurer ? Sa
réaction était inacceptable ! J'avais mal, tellement mal au
fond. C'est cette douleur si particulière qu'on ressent quand on est
contraint de tourner la page alors qu'on en a pas vraiment envie. Si
seulement elle m'avait dit quelque chose, montré de la jalousie, de
la peine, j'aurais immédiatement viré Petra je crois.
La suite ? Ça se passe par là.
La suite ? Ça se passe par là.
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